Plongée dans la violence et le chaos, Haïti vit depuis des mois maintenant une situation indescriptible qui affecte bien sûr aussi l’orphelinat que nous soutenons et toutes celles et ceux qui y vivent
Au début du mois d’octobre, la situation a encore empiré. Pendant de longues journées, des gangs armés ont assiégé la ville et tenté d’y pénétrer, tandis que les habitants s’efforçaient de les en empêcher.
Le 22 octobre, la résistance a cédé. Les gangs ont réussi à entrer et ont envahi la ville. Ils l’ont encerclée, ont bloqué les routes, pendant que sur la mer des « bandits » embarqués sur des chaloupes tiraient avec des fusils automatiques.
« Nos » enfants ainsi que les responsables de l’orphelinat et le gardien de la maison ont alors quitté l’orphelinat à bord de leur véhicule. Ils n’ont pu emporter que les médicaments des enfants et un sac de riz. L’essence manquait. Ils en ont trouvé sur le bord du chemin, juste assez pour prendre la route.
Leur destination : un lieu situé à une quinzaine de minutes à peine, mais qu’ils mettront plusieurs heures à atteindre car ils ont dû emprunter de petites routes en terre, se cacher par moments avant de pouvoir continuer leur chemin.
Sur place, la sécurité est toute relative : les gangs ne sont pas loin, on entend des tirs, les enfants sont terrorisés.
Lundi 28 octobre, le responsable de l’orphelinat, qui parvient à nous joindre par moments, nous dit qu’il a vu un hélicoptère qui évacuait des enfants. Mais renseignements pris, il semble que les vols soient suspendus car un hélicoptère des Nations Unies s’est fait tirer dessus.
Mardi 29 octobre, la responsable canadienne de l’orphelinat réussit à joindre une compagnie américaine qui opère des évacuations en hélicoptère. Il s’agit en temps normal d’évacuations médicales, mais dans la situation actuelle ils prennent en charge les personnes des zones les plus à risques.
Pour bénéficier d’une évacuation, il faut une autorisation de l’Institut du Bien-Être Social et de Recherche (IBESR). Une demande est faite, mais nous ne connaissons ni le prix ni la faisabilité de l’opération, et nous craignons de ne pas avoir l’argent nécessaire.
Pendant ce temps, le responsable de l’orphelinat nous rapporte que les gangs annoncent qu’ils vont envahir toute la région, qu’ils viendront en force et tueront les gens, les bébés, les chiens…
Jeudi 31 octobre, 2h30 du matin : Nous avons pu joindre la compagnie d’évacuation en hélico. Ils nous annoncent qu’ils procèdent gratuitement aux évacuations .
Entretemps le document nécessaire est parvenu à l’IBESR. Mais nous n’arrivons pas à joindre le responsable de l’orphelinat sur place pour l’en informer et pour lui indiquer l’endroit où il devra se rendre avec les enfants pour monter à bord de l’hélicoptère si l’IBESR donne son feu vert.
5h : On attend la confirmation de la compagnie d’hélico.
14h : Nous avons l’autorisation de l’IBESR ! La compagnie fait la demande de plan de vol. Les enfants doivent se déplacer pour aller sur un grand terrain, nous ne savons pas s’ils y arriveront.
14h50 : Nous recevons l’information que l’hélicoptère prend d’autres enfants pour les amener en lieu sûr… Nous devons attendre encore, mais on nous confirme qu’ils viendront reprendre nos enfants s’ils sont arrivés sur place et que les conditions le permettent.
15h35 : Nos enfants arrivent à l’endroit où l’hélico doit les prendre.
16h15 : Ils sont dans l’hélico! Tous les enfants, ainsi que les responsables de l’orphelinat, s’envolent et sont emmenés dans un lieu plus sûr.
C’est un miracle !
En Haïti ou règne le chaos, nos enfants de l’orphelinat ont pu être évacués, sains et saufs.
Nous avons échangé avec le responsable pendant ces jours d’enfer. Il avait 17 enfants à gérer; trois adultes pour 17 enfants, dont plusieurs malades ou avec un handicap; ses propres enfants, trois jeunes enfants, se trouvaient ailleurs avec une grande fille de l’orphelinat. Et malgré tout cela, il a gardé la foi. Il a eu peur, il ne savait pas ce qui allait se passer mais il a gardé espoir. La terreur des enfants était le plus difficile à supporter mais il a su garder espoir et le miracle s’est produit.
Nous tenions à partager cela. La situation est dramatique, nous ne savons pas ce qu’il adviendra des enfants de l’école qui sont encore sur place avec leurs familles et nous pensons très très fort à eux et « prions », chacun·e à notre manière, pour eux.
Nous ne savons pas dans quel état nous retrouverons les lieux qu’ils ont dû abandonner.
Nous ne savons pas de quoi demain sera fait mais ce 31 octobre 2024, 20 personnes précieuses ont été évacuées et sont en sécurité.
D’autres que nous ne connaissons pas le sont aussi.
Au milieu du chaos et de la barbarie des miracles existent et des gens font tout ce qui est en leur pouvoir pour en aider d’autres.